Le conditionnement dans la propagande soviétique (1917-1991).
Découvrez les Secrets des Techniques de Manipulation Mentale : Un Voyage au Cœur du Conditionnement
Dans cet article approfondi, nous plongeons dans l’univers fascinant des techniques de manipulation mentale et du conditionnement, explorant comment nos pensées, émotions et comportements peuvent être influencés de manière subtile mais puissante. Voici ce que vous découvrirez :
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- Les Effets sur l’Individu et la Société : Examinez les conséquences profondes de la manipulation mentale sur nos vies personnelles et notre tissu social.
- Comment Se Prémunir : Armez-vous de connaissances et de stratégies pour reconnaître et résister à ces influences omniprésentes.
- Cas d’Étude et Analyses : Plongez dans des exemples concrets et des analyses critiques qui illustrent la manipulation mentale en action.
Que vous soyez fasciné par la psychologie, soucieux de l’impact des médias, ou simplement curieux de comprendre les forces invisibles qui façonnent notre monde, cet article offre des insights précieux et des révélations surprenantes. Préparez-vous à changer votre manière de voir la manipulation mentale et à découvrir comment protéger votre esprit contre ces techniques sophistiquées.
Dans la première partie, nous avons surtout parlé du conditionnement dans la publicité, afin de garder l’utilisation du conditionnement dans la politique pour cette partie de l’exposé.
Il faut bien comprendre le cheminement historique de l’utilisation du conditionnement en matière de propagande. Le conditionnement a d’abord été pratiqué par le régime communiste en URSS. Ensuite, les fascistes italiens vont reprendre le modèle de propagande communiste afin de l’appliquer à leur propre courant d’idées. Ensuite, Hitler adoptera les grands concepts de la propagande chez les Italiens et donc, de manière indirecte, aux communistes russes. Toutefois, c’est la diffusion des idées de Pavlov via les travaux de Watson, en 1920, que cela va se faire.
En résumé :
- 1895-1904 : travaux de Pavlov.
- 1905 :première révolution russe.
- 1917 : prise du pouvoir par les communistes grâce à la propagande.
- 1920 : travaux de Watson qui font découvrir Pavlov au reste du monde.
- 1922 : prise de Pouvoir de Mussolini en Italie via la propagande.
- 1933 : prise de pouvoir d’Hitler à Berlin via la propagande.
- 1937-1938 : travaux de Skinner.
A l’origine, nous avons donc la Russie (A) qui inventa et diffusa la propagande dans le reste du monde, en Italie (B), puis en Allemagne (C). Il ne s’agit pas ici de présenter l’ensemble de la propagande soviétique, italienne ou allemande, mais uniquement de la présence du conditionnement dans celle-ci. Le sujet sera trop vaste.
Au sein de la propagande soviétique, il convient de distinguer entre la propagande léniniste (1) et la propagande stalinienne (2). Ce que je vais vous décrire à partir de maintenant n’a jamais été dit. Il a parfois été esquissé d’une manière incomplète, par certains auteurs anciens, comme Jean-Marie Domenach ou Serge Tchakhotine, mais jamais donné de manière aussi complète comme je vais le faire. Il m’a paru important de reconstruire ce qui s’est passé en matière de propagande entre 1917 et 1991. C’est un élément essentiel de la propagande politique encore en usage de nos jours. Ce qui explique sans doute le silence complaisant qui concerne ce sujet. Chacun tente de l’utiliser avec plus ou moins de talent, et ne souhaite donc pas que leur grand secret soit révélé à un large public.
I. Le conditionnement léniniste (1917-1924).
Lénine va prendre le pouvoir en 1917. A l’époque, Watson n’a pas encore mené ses expériences sur le conditionnement par la peur. Seuls existe les travaux d’Ivan Pavlov. Lénine va donc se servir uniquement du conditionnement pavlovien. C’est l’une des pièces essentielles qui explique la prise du pouvoir par Lénine en 1917. La technique utilisa la pulsion n°1, mais uniquement dans son aspect positif, c’est-à-dire l’enthousiasme.
C’est à partir de 1915 que va se mettre en place la propagande communiste en Russie.
« La propagande a pris une ampleur extraordinaire dans la Révolution russe et surtout pendant la guerre civile en Russie.
Déjà, en été 1915, il s’était formé en Russie une organisation qui portait le nom de « Comité du facteur moral » et faisait partie du Comité d’Aide technique militaire, englobant toutes les organisations techniques et scientifiques de Russie ; il avait pour but de relever et de diriger le moral de la population et de l’armée pour mener à bon terme la guerre. » (Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la propagande, p. 328-329).
Les Bolcheviques vont très rapidement prendre le contrôle du Comité du facteur moral. Ils vont s’en servir pour réaliser des expériences psychologiques et mettre en œuvre des techniques qu’ils utiliseront ensuite massivement à partir de 1917. Sans ce comité, il n’y aurait sans doute jamais eu de prise de pouvoir en octobre 1917.
A : La première étape.
A la base de la théorie de Pavlov, nous avons une pulsion fondamentale. Lénine va exploiter la pulsion n°1 qui semble être celle que les mouvements politiques utilisent toujours pour prendre le pouvoir. Nous l’avons déjà dit, chaque pulsion peut avoir un côté positif et un côté négatif. Pavlov permet d’utiliser le côté positif (l’enthousiasme), alors qu’avec Watson, nous exploitons le côté négatif (la peur).
Nous trouvons donc un stimulus inconditionnel et une réponse inconditionnelle.
Le stimulus inconditionnel, c’est donc la volonté de combattre.
La réponse inconditionnelle, c‘est l’enthousiasme.
Lorsqu’il y a volonté de combattre, il y a enthoudiasme.
Le stimulus inconditionnel entraîne toujours la réponse inconditionnelle.

Nous retrouverons toujours ce schéma, à la base d’une prise de pouvoir, quel que soit le parti politique et sa prise de pouvoir, lorsque celui-ci utilise le principe de Pavlov. La difficulté étant de savoir incarner cet enthousiasme afin d’arriver au pouvoir.
B : La deuième étape.
Une fois la pulsion fondamentale identifiée, il va falloir lui associer le parti bolchevique pour provoquer l’enthousiasme et lui permettre de prendre le pouvoir.
Le parti politique représente le stimulus neutre.
Le parti politique va s’incarner à travers des symboles et des slogans. Le symbole occupe le sommet de la pyramide de la propagande établie par Serge Tchakhotine dans « le viol des foules par la propagande politique« . Nous trouvons ensuite le slogan. Ce sont les deux éléments les plus importants qui permettent d’incarner un parti politique.

Le stimulus neutre est donc représenté par un symbole et un slogan.

Le symbole du Parti communiste, c’est la faucille et le marteau. Nous avons également l’étoile à cinq branches ou le drapeau rouge. Le symbole peut également être un signe de reconnaissance comme le poing levé. Le chef du parti peut aussi devenir un symbole lui-même.


L’utilisation de ces symboles va être diffusée par deux catégories de personnes : le propagandiste et l’agitateur.
« Il distinguait nettement deux fonctions différentes dans la propagande, portées par deux types d’agents :
- le propagandiste, qui touche beaucoup moins de personnes (des centaines, dit-il), parce que, selon nous, c’est celui qui tâche à persuader, à gagner des futurs militants.
- et l’agitateur, qui a affaire à des dizaines de mille, qui doit chercher les mettre en mouvement (c’est, selon nous, la propagande émotive), en les sensibilisant et entraînant.
Ainsi se créent des milliers de canaux, par lesquels se répandent facilement les mots d’ordre lancés par les centres, si ces mots d’ordre correspondent aux besoins aigus d’une classe et d’une époque, ce qui était le cas à l’époque de la Révolution d’octobre.
Lénine avait trouvé les deux mots fatidiques qui exprimaient les deux revendications fondamentales des millions de soldats-paysans de l’armée russe : « Terre et Paix ! ».
Les cellules propagandistes, qui correspondaient à l’idée de Lénine, exposée ci-dessus, et qui reçurent le nom de « Agit-prop » ont été créées partout dans chaque usine, administration, école, etc.
Le point de départ de la propagande bolchevik en URSS était naturellement le « Credo » en espèce du « Manifeste communiste », rédigé par Marx et Engels, en 1848, mais Lénine en a apporté des corrections essentielles de sorte qu’aujourd’hui la ligne de conduite communiste orthodoxe est désignée comme « marxisme-léninisme ». » (Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la propagande, p. 334-335).
Les propagandistes et les agitateurs sont des milliers de canaux qui vont diffuser les symboles et les slogans bolcheviques et ainsi conditionner la population. Ils vont créer l’enthousiasme autour du parti et favoriser sa prise de pouvoir.
C : La troisième étape.
Une fois que l’association a été suffisamment répétée, la masse est conditionnée. Il y a une réponse conditionnée au stimulus conditionné. L’apparition du symbole, du slogan ou du chef provoque une réaction d’enthousiasme et donc de soutien.

Le meilleur exemple du rôle des symboles et des slogans associés avec le conditionnement pouvant soulever l’enthousiasme de la masse, c’est le film de Sergeï Eisenstein, « oktiabr » que l’on peut traduire en français par « Octobre« . Un véritable monument cinématographique resté dans l’histoire du cinéma. Il n’est pas présomptueux de parler de ce film, comme de l’un des plus grands chefs d’œuvre de l’histoire, qui marqua très profondément la mémoire des peuples.

Le réalisateur va mettre en scène les symboles et les slogans pour montrer qu’ils ont soulevé un peuple enthousiaste lors d’un meeting de Lénine et qui ira prendre d’assaut le palais d’Hiver à Saint-Pétersbourg.
La scène du meeting de Lénine à la gare de Finlande a lieu à la neuvième minute, il va montrer l’immense talent de la mise en scène d’Eisenstein. Le film est muet et tourné en pellicule noir et blanc, ce qui va lui permettre de jouer sur les ombres et la lumière et de suggérer l’enthousiasme par une utilisation de l’esthétique.
Le symbole politique qui joue le rôle de stimulus inconditionnel, c’est Lénine lui-même. On le reconnaît à sa moustache et à sa barbichette. Il est debout en hauteur sur un blindé. Il domine la foule. Le blindé symbolise la force. Il est éclairé entouré de fumée pour montrer le côté surnaturel du chef. Il harangue la foule avec des gestes vifs qui montre son enthousiasme. La foule à ses pieds est enthousiasmée par son discours, elle comporte de nombreuses banderoles avec des slogans dessus.

En une scène, je dirais même en une photo, Sergeï Eisenstein montre que Lénine est un homme puissant, un dieu vivant capable d’exercer le pouvoir. Il faut jouer sur une telle image pour lutter contre un Tsar censé être le représentant de Dieu sur terre, avec derrière lui la puissance de l’Eglise orthodoxe.
L’image marquera tellement les esprits qu’elle sera rejouée presque à l’identique quatre-vingt ans plus tard lors du coup d’Etat de 1991. Boris Eltsine gardera le pouvoir en montant sur un char pour parler à la foule devant la Maison Blanche de Moscou. Il ira même jusqu’à ajouter le drapeau à ses côtés, comme pour Lénine dans le film « Octobre« .

Ensuite, la scène de la prise du palais d’hiver est une mise en scène de la chute de la monarchie et de l’Eglise orthodoxe. Sur la porte d’entrée du palais d’hiver, se trouve l’aigle bicéphale, symbole de la monarchie. En arrière-plan, on trouve un ange avec une croix qui symbolise le christianisme orthodoxe.

Puis la porte est enfoncée par la foule en arme. C’est la porte du pouvoir qui s’ouvre amenant le renversement du Tsar et de l’Eglise. La symbolique est suffisamment simple pour être comprise par l’ensemble du peuple russe.

Ce qui frappa tous les esprits dans le film d’Eisenstein, c’est le rôle de la masse. La masse au pied de Lénine lors de son discours, la masse qui enfonce les portes du palais d’hiver à Saint-Pétersbourg. C’est la première fois que la masse est mise en scène dans le cinéma comme acteur décisif de l’histoire politique. La masse devient un élément moteur de la prise du pouvoir.
Le film date de 1927, pour les dix ans de la Révolution russe. Les fascistes italiens ont déjà pris le pouvoir en Italie, en revanche, il jouera un rôle important dans la montée vers le pouvoir du nazisme. Il sera vu et analysé minutieusement par Leni Riefensthal qui en reprendra les principaux mécanismes en les améliorant. Il y a une filiation directe entre le « triomphe de la volonté » et « Oktiabr« , dans la manière de filmer et de mettre en scène les réunions de Nuremberg de 1936. Nous verrons cela ensuite.
II. Le conditionnement stalinien (1924-1953).
Avec l’arrivé au pouvoir Staline, la propagande va changer de modèle, elle va intégrer dans son système de conditionnement les travaux de Watson en utilisant l’aspect négatif de la pulsion n°1, c’est-à-dire la peur.
Cela va donner deux types de pulsion n°1 :
- La pulsion n°1 positive : l’enthousiasme.
- La pulsion n°1 négative : la peur.
« Naturellement, après le triomphe de la Révolution d’octobre, la propagande du parti bolcheviste a pu jouer en plein pour retenir et consolider le pouvoir, et là elle a pu déjà appliquer, en pleine efficience, comme sa base, la pulsion n°1, la pulsion agressive : la terreur fonctionnait comme élément « rafraichissant » les réflexes conditionnés formés. » (Serge Tchakhotine, Le viol des foules par la propagande, p. 332).
Le conditionnement stalinien va servir à fabriquer un soutien populaire au nouveau régime. Il y aura également une utilisation de cette méthode pour la mise en œuvre des plans quinquennaux pour le réarmement. La pulsion n°1 positive ne disparaît pas totalement, mais elle passe au second plan. Staline va surtout s’imposer par la peur et la violence sur la masse. C’est d’ailleurs ce que dénoncera Nikita Khrouchtchev lors du XXe congrès du Parti communiste.
« Durant la vie de Lénine, le Comité Central du Parti fut la réelle expression de la direction collective du Parti et de la nation. Etant un militant marxiste-révolutionnaire, toujours inflexible sur les questions de principe, Lénine n’imposa jamais par la force ses opinions à ses collaborateurs. Il essayait de les convaincre.
Staline n’agissait pas par persuasion, par explication et patiente collaboration avec autrui, mais en imposant ses idées et en exigeant une soumission absolue. Quiconque s’opposait à ses conceptions ou essayait d’expliquer son point de vue et l’exactitude de sa position était destiné à être retranché de la collectivité dirigeante et, par la suite, « liquidé » moralement et physiquement.
Il vaut la peine de signaler le fait que pendant que se déroulait la furieuse lutte idéologique contre les trotskistes, les zinovievistes, les boukhariniens et les autres, on n’avait jamais pris contre eux des mesures extrêmes de répression. La lutte se situait sur le terrain idéologique. Mais quelques années plus tard, alors que le socialisme était fondamentalement édifié dans notre pays, alors que les classes exploitantes étaient généralement liquidées, alors que la structure sociale soviétique avait radicalement changé, alors que la base sociale pour les mouvements et les groupes politiques hostiles au Parti s’était extrêmement rétrécie, alors que les adversaires idéologiques du Parti étaient depuis longtemps vaincus politiquement, la répression contre eux fut déclenchée.
Staline fut à l’origine de la conception de « l’ennemi du peuple ». Ce terme rendit automatiquement inutile d’apporter la preuve des erreurs idéologiques de l’homme ou des hommes engagés dans une controverse : il rendit possible l’utilisation de la répression la plus cruelle, violant toutes les normes de la légalité révolutionnaire, contre quiconque, de quelque manière que ce soit, était en désaccord avec Staline. Pour l’essentiel et en fait, la seule preuve de culpabilité dont il était fait usage, contre toutes les normes de la science juridique actuelle, était la « confession » de l’accusé lui-même, et, comme l’ont prouvé les enquêtes faites ultérieurement, les « confessions » étaient obtenues au moyen de pressions physiques sur l’accusé. Des arrestations et des déportations de plusieurs milliers de personnes, des exécutions sans procès et sans instruction normale, créèrent des conditions d’insécurité, de peur et même de désespoir.
(…)
Le danger menaçant suspendu sur notre patrie dans la première période de la guerre était dû en grande partie aux méthodes fautives de Staline lui-même, quant à la direction de la Nation et du Parti. Ceci pour le début de la guerre et l’extrême désorganisation de notre armée qui causa de si lourdes pertes. Mais longtemps après, la nervosité et l’hystérie dont Staline faisait preuve, s’opposant à l’efficacité des opérations militaires, pesèrent d’un poids considérable dans la balance (…). Ce n’est pas Staline, mais bien le Parti tout entier, le gouvernement soviétique, notre héroïque armée, ses chefs talentueux et ses braves soldats, la nation soviétique toute entière, qui ont remporté la victoire dans la grande guerre patriotique.
(Longue tempête d’applaudissements).
Camarades, venons-en à d’autres faits. L’Union soviétique est à juste titre considérée comme un modèle d’Etat multinational parce que nous avons, dans la pratique, assuré l’égalité des droits et l’amitié de toutes les nations qui vivent dans notre vaste Patrie. D’autant plus monstrueux sont les actes dont l’inspirateur fut Staline. Nous voulons parler des déportations en masse de nations entières (les Kalmouks, les Tchétchènes, les Ingouches, les Balkars), arrachées à la terre natale avec tous les communistes et komsomols sans exception. Les Ukrainiens n’évitèrent le même sort qu’à cause de leur trop grand nombre ; il n’y aurait jamais eu assez de place pour les déporter tous. Autrement, on n’aurait pas manqué de le faire.
(Hilarité et mouvements divers).
L’obstination de Staline se manifesta non seulement dans le domaine des décisions qui concernaient la vie intérieure du pays, mais également dans celui des relations internationales de l’Union soviétique. « L’affaire yougoslave » ne comportait aucun problème qui n’eût pu être résolu par des discussions entre camarades du Parti. Il n’existait pas de base sérieuse pour le développement de cette « affaire ». Il était parfaitement possible d’éviter la rupture de nos relations avec ce pays.
(…)
Et quand Staline affirme qu’il a lui-même écrit le Précis de l’histoire du PC (bolchevik) de l’Union Soviétique, on doit pour le moins s’en étonner. Convient-il à un marxiste-léniniste de se mettre ainsi en vedette et de se hausser jusqu’au ciel ? Mais, parlons un peu des prix Staline. Les tsars eux-mêmes n’ont jamais fondé de prix portant leurs noms. Staline a reconnu comme le meilleur texte d’hymne national de l’Union soviétique un poème qui ne contient pas un mot sur le Parti communiste ; mais il contient l’éloge sans précédent de Staline. Est-ce à l’insu de Staline que beaucoup des plus grandes villes et des plus grandes entreprises ont pris son nom ? Est-ce à son insu que des monuments à Staline ont été élevés dans tous le pays ? » (Extraits du rapport au XXème Congrès du Parti communiste de l’URSS, 24 février 1956. Cité par F.FETJÖ, Chine-URSS, le fin d’une hégémonie, Paris, Plon, 1964, pp. 244-272.)

Il est important de bien comprendre le mécanisme en jeu et comment Staline s’y est pris pour s’imposer et garder jalousement le pouvoir. La aussi la technique sera reprise tant par les fascistes italiens que par les nazis. Nous ne sommes plus vraiment dans le mécanisme créé par Pavlov, mais dans celui de Watson avec le petit Albert, le bruit effrayant et le rat (a), mais également dans celui du conditionnement vicariant de Skinner (b).
A : Staline et le conditionnement de Watson.
Dans son discours du XXe congrès, Khrouchtchev dénonce le culte de la personnalité autour de Staline. Un culte de la personnalité qui relève du conditionnement de Watson fondé sur la peur et la violence.
1. La première étape.
Dans le schéma de Watson, le stimulus inconditionnel, c’est le bruit effrayant » et la réponse inconditionnelle, c’est la peur. Dans le cadre politique et mis en œuvre par Staline, le stimulus inconditionnel, c’est la menace, alors que la réponse inconditionnelle, c’est la soumission, une soumission qui se manifeste par le soutien fondé sur la peur ou le vote par intimidation. L’intimidation et la peur entraînent une sorte de conformisme. C’est une réaction logique en matière de psychologie. C’est une technique bien connue de la mafia, qui menace, intimide les commerçants pour obtenir d’eux le paiement d’une taxe. Lorsqu’ils payent, on les laisse tranquilles, s’ils ne paient pas, on les attaque. Par peur d’avoir des ennuis, ils vont obéir. C’est simple, si vous voulez être obéit, faites peur.

Ensuite, on va associer la menace à un parti politique représenté par un slogan, un symbole et un chef. C’est le stimulus conditionnel.

La menace que va utiliser Staline est une terrible répression policière, une élimination impitoyable des opposants politiques, y compris dans son propre camp. C’est également un vaste système de surveillance des individus par un système de type panoptique. Chaque individu est inséré depuis l’enfance dans des groupes chargés de le contrôler et de le surveiller, depuis les pionniers jusqu’aux syndicats professionnels en passant par les komsomols. L’objectif est de soumettre en faisant peur. En cas de déviance, la mise en œuvre du conditionnement de Skinner intervient pour punir le récalcitrant.
Le panoptique a été inventé par Jeremy Bentham en 1786 et qui fut exploité au moment de la Révolution française.

« Si l’on trouvait un moyen de se rendre maître de tout ce qui peut arriver à un certain nombre d’hommes, de disposer tout ce qui les environne, de manière à opérer sur eux l’impression que l’on veut produire, de s’assurer de leurs actions, de leurs liaisons, de toutes les circonstances de leur vie, en sorte que rien ne pût échapper ni contrarier l’effet désiré, on ne peut pas douter qu’un moyen de cette espèce ne fût un instrument très-énergique et très-utile que les gouvernements pourraient appliquer à différents objets de la plus haute importance. » (Jeremy Bentham, le panoptique, BoD, p. 19)
Jeremy Bentham cherche le moyen de contrôler la société. Avec le panoptique, un seul individu peut surveiller un grand nombre de personnes. »
« Mais comment un homme seul peut-il suffire à veiller parfaitement sur un grand nombre d’individus ? Comment même un grand nombre d’individus pourrait-il veiller parfaitement sur un seul ? Si l’on admet, comme il le faut bien, une succession de personnes qui se relayent, il n’y a plus d’unité dans leurs instructions, ni de suite dans leurs méthodes.
On conviendra donc facilement qu’une idée aussi utile que neuve, serait celle qui donnerait à un seul homme un pouvoir de surveillance qui, jusqu’à présent, a surpassé les forces réunies d’un grand nombre. » (Jeremy Bentham, le panoptique, BoD, p. 19-20)
Jeremy Bentham expose le principe du panoptique en ces termes : »
« L’ensemble de cet édifice est comme une ruche dont chaque cellule est visible d’un point central. L’inspecteur invisible lui-même règne comme, un esprit ; mais cet esprit peut au besoin donner immédiatement la preuve d’une présence réelle.
Cette maison de pénitence serait appelée panoptique, pour exprimer d’un seul mot son avantage essentiel, la faculté de voir d’un coup d’oeil tout ce qui s’y passe. » (Jeremy Bentham, le panoptique, BoD, p. 25)
Voir sans être vu afin de surveiller les individus qui composent la société.
Il faut bien comprendre ce point essentiel, le conditionnement watsonien fondé sur la peur, est indissolublement lié au panoptique. Sans panoptique, il n’y a pas de conditionnement possible. C’est parce que l’individu se sent possiblement surveillé qu’il a peur et contrôle son comportement. Voir sans être vu est l’élément essentiel du panoptique, car en se sachant surveillé, tout en ne voyant pas qui, et quand on nous surveille, on ne peut pas relâcher son comportement par intermittence. Il y a obligation de toujours se contrôler pour échapper à la punition. Il est donc nécessaire de contrôler totalement la société, ou du moins de faire croire que l’on contrôle totalement la société.
C’est par exemple ce que montre des romans comme « 1984 » de George Orwell. George Orwell reprendra ses idées dans d’autres romans antérieurs, comme « le Procès » ou « le château » de Kafka.

Le panoptique est très présent dans l’œuvre du génie praguois. J’ai abordé la question dans mon mémoire de DEA de droit public, science politique. C’est un sujet que je connais très bien depuis de nombreuses années. Monsieur K, que ce soit dans « le Procès » comme dans « le Château » est victime du système panoptique, il se bat en vain contre lui.


Le roman « 1984 » concerne lui aussi le système de surveillance panoptique. George Orwell ne prend pas sa source d’inspiration chez Kafka, mais dans un roman soviétique, moins connu, de Evgueni Zamiatine « Nous« . Publié en 1920, « Nous » est considéré comme le premier chef-d’œuvre de la Science-fiction. Il est le roman qui servit de base à toute la littérature de SF. Kafka est resté dans l’histoire, alors que Zamiatine est totalement tombé dans l’oubli, alors qu’il devrait figurer, lui aussi, tout en haut dans le Panthéon de la littérature.

Autres chefs d’œuvres de la Science-fiction qui aborde la question du panoptique, le cycle des « Seigneurs de l’Instrumentalité » de Cordwainer Smith. Un monument qui influença profondément toute la littérature jusqu’à nos jours. Je me rappelle l’immense choc que j’ai ressenti lorsque j’ai lu pour la première fois les vingt-sept nouvelles et surtout (surtout) le roman « Norstralie« . Tous les thèmes que j’aborde dans mes livres ou mes articles étaient déjà présents dans le cycle des Seigneurs de l’Instrumentalité. Il y a en particulier le conditionnement psychologique et son corollaire, le panoptique. La société de l’Instrumentalité est fondée sur ces deux piliers.



2. La deuxième étape.
Une fois l’association obtenue entre la menace et les symboles ou le chef, le citoyen va se soumettre au pouvoir. C’est d’une redoutable efficacité, il va se soumettre, car il a peur de subir la répression. Une peur rendue possible par la mise en place d’un système de surveillance panoptique.

Autre point important, il faut pour que cette méthode soit efficace pour qu’elle soit accompagnée d’un contrôle total des moyens médiatiques.
« La propagande doit être totale. Il faut que le propagandiste utilise l’ensemble des moyens techniques mis à sa disposition. Ces moyens sont essentiellement : presse, radio, T.V., cinéma, affiches, réunions, porte à porte. La propagande moderne doit utiliser tous ces moyens. Il n’y a pas de propagande tant que l’on use de façon sporadique et un peu au hasard, tantôt d’un article de journal, tantôt d’une affiche, tantôt d’une émission de radio … Quelques réunions et discours, quelques inscriptions sur les murs : ce n’est pas de la propagande. » (Jacques Ellul, propagandes, p. 21)
La propagande doit utiliser l’ensemble des moyens de communication pour être efficace, tels que la presse, le cinéma, les affiches, les réunions, le porte-à-porte. Moyens utilisés à l’époque de Staline, auquel nous pouvons ajouter pour les époques ultérieures la télévision ou Internet. C’est pour cela qu’un régime politique, s’il veut garder le pouvoir, doit prendre le contrôle de tous les médias et d’en user pour conditionner sa population. C’est ce que feront Staline, Mussolini ou Hitler, mais aussi Emmanuel Macron. Il ne faut aucune voix discordante pour donner l’illusion de l’unanimité, l’unanimité donnant l’illusion de la force. Personne n’ose résister lorsqu’il y a l’illusion de la force du pouvoir. Parfois, l’illusion s’évanouit et permet l’émergence d’une résistance.
B : Staline et le conditionnement de Skinner.
Joseph Staline va également reprendre et utiliser dans un sens politique le conditionnement créé par Bhurrus Skinner. Il va reprendre les deux aspects de ce conditionnement, le renforcement positif (b-1) et le renforcement négatif (b-2). Dans le langage populaire, on dirait que c’est la technique de la carotte et du bâton. Ce n’est rien d’autre que du conditionnement par essai et erreur théorisé par Skinner.
1. Le renforcement positif.
Le renforcement positif permet de fixer le bon comportement. Il a une fonction éducative du comportement. C’est une fonction très importante pour le conditionnement politique. Il fut utilisé massivement en URSS sous Staline, mais pas seulement. Il sera repris par Hitler, et même dans nos, soit disant « démocratie ». Il remplit les grilles de programmes de nos chaînes de télévision, comme d’ailleurs le renforcement négatif (l’un ne va pas sans l’autre, comme nous le verrons.).
Il faut récompenser le bon citoyen, le montrer en exemple au peuple et surtout montrer qu’il a été récompensé pour ce comportement. Ainsi, on indique au petit peuple quel comportement il doit adopter pour lui aussi être un jour (peut-être) avoir une récompensé.
Staline va multiplier les cas de figure.
C’est d’abord le cas d’Alexeï Stakhanov (1906-1977) dont les cadences de travail vont être montrée en exemple afin de motiver les ouvriers dans la reconstruction et le réarmement du pays. Il travaillait dans une mine de charbon de Donetsk. Le 31 août 1935, il aurait extrait cent deux tones de charbon en six heures de travail, alors que la normes de productivité était de sept tonnes.

L’exploit supposé fera l’objet d’un article dans la presse locale, puis exploité plus massivement dans la « Pravda« . Il est présenté comme un ouvrier modèle par la propagande. Il fera même la « une » du journal le Time, le 16 décembre 1935.

On parle alors de stakhanovisme. Le stakhanovisme n’est que le renforcement positif sous un autre nom. Il recevra, en grande pompe et avec tout le battage médiatique qui va avec, les plus grandes recompose accordées en Union soviétique :
- Deux fois l’Ordre de Lénine.
- Une fois le titre de héros soviétique du travail.
- Une fois le titre de l’ordre du Drapeau rouge du Travail.
- Une fois l’insigne de Gloire du mineur.
Vous noterez avec moi le caractère pompeux et grandiloquent de ces titres censés flatter l’ego des hommes qui les recevaient. Ils seront largement utilisés pour mettre en valeur les bons comportements que doivent adopter les citoyens soviétiques.
L’ordre de Lénine date de 1930.

Le titre de « Héros de l’Union soviétique » fut créé en 1934.

Le titre de « Héros socialiste du travail » fut instauré en 1938.

Il y aura d’autres héros qui seront mis en valeur par l’Union soviétique pour leurs comportements exemplaires. L’un des cas les plus célèbres de l’histoire fut Zinaida Mareseva, une infirmière d’origine modeste qui eux plusieurs fois un comportement héroïque lors de la terrible bataille de Koursk, en 1943, et dont le destin tragique fut largement exploité durant et après la guerre par la propagande. Elle sauvera trente-huit soldats blessés le 8 février. Le 2 août, face à la déroute de son régiment face à une offensive allemande, elle décide de s’emparer d’une arme et de combattre seule. Elle tuera cent cinquante Allemands, capturera huit mitrailleuses, deux mortiers et vingt lance-grenades. Elle trouvera ensuite le temps de transporter seule soixantes quatre soldats blessés et de les soigner.

C’est Rambo version féminine et russe.
Elle trouvera la mort le lendemain. Elle sera faite héroïne de l’Union soviétique et recevra l’ordre de Lénine, à titre posthume.
Il s’agit toujours du même processus un homme ou une femme d’origine modeste dont l’exploit est monté en épingle médiatiquement, puis que l’on couvre de titres de gloire et de récompenses pompeuses.
Une méthode redoutablement efficace.
2. Le renforcement négatif.
Au renforcement positif, il faut joindre le renforcement négatif. Les deux sont indissociables pour être efficaces.
Il s’agit de punir très durement les comportements qui ne vont pas dans le sens voulu par le régime. Il faut dissuader les contrevenants.
Le renforcement négatif débouche toujours sur la fuite. Il faut monter en épingle, comme pour le renforcement positif, des cas typiques et frapper très fort, afin de dissuader les autres d’agir comme eux. C’est pour cela qu’il y a fuite. La personne va fuir, va s’abstenir d’agir pour éviter la répression et la punition. Il faut frapper très fort pour faire peur.
Dans le cas du régime stalinien, le renforcement négatif va concerner principalement les procès staliniens, les déportations dans les goulags ou l’internement dans les hôpitaux psychiatriques.
Les procès staliniens sont des procès à grand spectacle truqué dès le départ. Leur objectif n’est pas de rendre le droit, mais de faire peur à l’opinion afin de la dissuader d’agir contre le régime.
Pour la période stalinienne qui nous intéresse, il y a six grands procès :
- Le procès des ingénieurs (1928).
- Le procès du Parti paysan du travail (1930).
- Le procès des 29 assassins de Kirov (1934).
- Le procès des six ingénieurs britanniques (1933).
- Le procès de Moscou (1936-1938).
- le procès des 16 (1945).
Nous avons plusieurs conditions pour parler de procès stalinien :
- Le coupable est connu d’avance car il a reconnu les faits à la suite d’une torture psychologique.
- Le déroulement du procès et le jugement sont impitoyables.
- Respect des règles du procès.
Ce qui est très intéressant dans les procès staliniens, c’est que l’on ne se contente pas de punir durement le récalcitrant, on cherche à tout prix à obtenir ses aveux publics. S’il n’y a pas d’aveux, il n’y a pas de procès stalinien. Le régime va utiliser tous les moyens pour amener la personne qu’elle veut condamner à avouer. Elle va utiliser toutes les techniques possibles et imaginables de tortures psychologiques. Cela peut aller jusqu’aux menaces sur les amis ou la famille.
C’est la technique de l’autocritique. La personne reconnaît les faits et avoue avoir dévié par rapport à ce que la société attendait de lui.
Les images des aveux sont diffusées très largement au public, par la presse ou le cinéma.
Ensuite, le jugement s’abat sur le récalcitrant qui reçoit une punition exemplaire : peine de mort ou goulag pour une longue durée.
Le procès a alors une vertu éducative. Il montre quel comportement est considéré comme déviant et que la peine est très lourde.
En acceptant de collaborer, l’accusé espère que le tribunal sera indulgent avec lui. Or, ce n’est pas ce qui se produit, car l’objectif est ailleurs. Il faut montrer ce qui est interdit et dire que ce qui est interdit est puni très sévèrement. Il faut faire peur à la société pour la faire obéir. Le procès stalinien n’est pas là pour rendre la justice et faire respecter le droit. Ce n’est pas son rôle.
Il faut se rappeler de la fin du roman « 1984 » pour comprendre comment on obtient la collaboration d’une personne que l’on veut faire condamner. Nous avons également le roman d’Arthur Koestler, « le zero et l’infini » qui montre très bien comment se déroulaient les procès staliniens et leur rôle dans le maintien au pouvoir de Staline. Dans « le Procès » de Kafka, nous voyons l’hypothèse où l’accusé refuse de collaborer quoi qu’il en coûte. Il est exécuté clandestinement, ni vu, ni connu, le procès ne doit surtout pas se transformer en tribune politique pour l’accusé.

Nous avons exploré ensemble les abysses et les sommets des techniques de manipulation mentale, un voyage qui, nous l’espérons, vous a offert des clés de compréhension essentielles sur les forces invisibles qui modèlent notre perception du monde. Mais l’aventure ne s’arrête pas là, et votre voix compte dans cette exploration continue de la conscience humaine.
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