Au-delà du conformisme politique : Partie 2.
Dans un monde où le conformisme semble souvent régner en maître. Il est crucial de s’interroger sur les mécanismes qui le sous-tendent et les impacts qu’il peut avoir sur notre société.
L’article que vous vous apprêtez à lire plonge au cœur de cette thématique, explorant les origines du conformisme, son influence sur les individus et les communautés, ainsi que les défis qu’il pose à la notion de liberté et d’innovation. De plus, alors que nous naviguons à travers les vagues de traditions et les pressions sociales, ; cet article offre une boussole précieuse pour comprendre comment le conformisme façonne notre monde. Comment, peut-être, nous pouvons chercher à remodeler ce dernier pour favoriser une diversité et une créativité accrues.
La normalisation, en psychologie sociale, concerne la création d’une norme sociale dans un groupe. Le conformisme est l’étape suivante. Le conformisme n’intervient que lorsque la norme sociale existe. La norme du groupe va exercer une pression vers la conformité. c’est un processus très puissant qui pousse l’individu à accepter un système de comportement et donc a modifier ses opinions, ses attitudes et son comportement dans le sens du groupe.
Dans la plupart des cas, les sujets va céder à cette pression et accepter de renier son propre points de vue, de changer son comportements. C’est ce que nous observons actuellement avec la crise du corona-virus. La population a accepté sagement le confinement, de rédiger elle-même son auto-attestation comme les “ausweis” sous l’occupation. De porter le masque comme une muselière. Personne ne proteste. Tous le monde obéit sagement à la pression sociale pour éviter les problèmes (amende, police, peur, etc). Ce genre de comportement ne peut s’expliquer que par la tendance au conformisme du groupe et de sa terrible pression sociale.
Entrons un peut plus dans le détails.
On distingue deux types de conformisme : le conformisme en mot et le conformisme en acte.
I. Le conformisme en mot (1951).
Deux psychologues vont travailler sur le conformisme en mot, Salomon Ash (1906-1997) et Schachter (1922-1997).
A. Salomon Asch (1951).
Asch est un Juif polonais qui émigra au Etats-Unis dans les années vingt pour y poursuivre ses études. Il travaillera pendant dix-neuf ans au collège de Swarthmore, un des bastions du courant gestaltiste. En 1966, il sera muté au sein de l’université de Rutgers, puis en 1972 à l’université de Pennsylvanie jusqu’à sa retraite en 1979. Il occupa également des postes universitaires à Harvard et au MIT.
1. Déroulement de l’expérience.
Dans un expérience mondialement célèbre, Ash va convoquer des groupes de huit personnes pour tester leurs capacités au conformisme. Dans le groupe, sept membres sont des complices du chercheur (on dit compère) et un seul est un sujet dit “naïf”. Naïf car lui seul subit réellement l’expérience.
On propose deux pancartes en carton.
Le premier carton comporte une ligne noire. C’est la ligne étalon.
Le deuxième carton comporte trois lignes.de taille différente dont l’une correspond à la ligne étalon.
Le groupe doit dire quelle est la ligne sur les trois qui correspond à la ligne du premier panneau. Par exemple, dans notre exemple, la ligne C.
L’évaluation est réalisée seize fois de suite par les sujets. Les sept complices de l’expérimentateur ont pour consigne de se tromper unanimement douze fois et de donner la réponse juste quatre fois. On test la conséquence des erreurs sur le huitième sujet.
Le résultat va provoquer un immense choc dans le monde scientifique.
Un tiers des sujets ne vont pas subir la mauvaise influence du groupe. Asch va parler de sujet indépendant. Un autre tiers va se conformer à l’erreur du groupe une fois sur deux et le dernier tiers plus d’une fois sur deux. Donc un tiers reste indépendant et deux tiers vont accepter de se conformer à la mauvaise réponse du groupe.
Lorsque l’expérience est passée par un individu seul, le taux d’erreur est de moins d’un pourcent.
2. Résultats de l’expérience.
L’expérience fait ressortir deux types d’individus : l’indépendant (un tiers) et le conformiste (deux tiers).
Asch remarque que dans la communication non-verbale, le sujet indépendant fait preuve d’une grande sûreté dans ses gestes, alors que le conformiste donnera des signes d’agitation plus ou moins importants. Cela montre que le conformisme n’est pas une chose évidente pour lui. Il s’aligne sur la volonté du groupe, mais il sait intérieurement qu’il se trompe. C’est la preuve d’une nervosité qu’il a de la peine a cacher.
L’influence du groupe doit agit dès le début, elle doit s’imposer d’emblée, car ensuite, elle ne produit plus aucun effet. Le sujet ne modifiera plus, par la suite, son attitude, il ne fléchit plus dans son comportement. Ce sont les premiers pas qui compte. Une fois que vous êtes passé du côté obscure de la force, tous retour en arrière est impossible. Lorsque le sujet a choisi son comportement, il n’en déviera plus.
C’est la technique de la secte. On isole un individu au milieu d’un groupe qui pense unanimement de la même manière. On cherche ensuite à l’amener à penser comme le groupe, à renier son ancienne opinion. Nous avons tous vécu ce genre d’expérience lors d’une discussion politique entre amis, collègues de travail ou pire, en famille. Nous sommes alors le seul à penser d’une certaine manière. Il ne fait jamais bon de dire quelques choses qui ne va pas dans le sens contraire d’un groupe unanime.
C’est aussi la technique utilisée dans le monde politico-médiatique. Dans les studios radios ou sur les plateaux télés, les opinions sont unanimes sur les sujets les plus importants. Aucune divergence n’est tolérée. Il faut mettre le téléspectateur dans la situation de l’expérience de Asch. Il doit sentir la pression sociale pour penser comme ceux qui parle à la télé.
Ce que je dit là concerne les médias du système, mais également ceux de la dissidence. Car ne vous laissé pas bercé par des illusions, la dissidence aussi recherche l’unanimité dans l’opinion. C’est une autre vérité, alternative à la précédente. Nous sommes tous, l’indépendant et le conformiste de l’autre. C’est le propre de chaque groupe social de tenter de garder la cohésion du groupe face aux autres groupes concurrents.
3. Les indépendants et les conformistes.
Salomon Asch fit passer un certain nombre d’entretien aux personnes qui ont subi son expérience. Elles font ressortir deux groupes d’individus, comme nous l’avons déjà vu.
Les Indépendants et les conformistes.
Pour le sujet indépendant (un tiers) on retrouve deux justifications au refus de suivre le groupe dans l’erreur :
- La confiance du sujet dans son propre jugement.
- Un sentiment de retraite et de défiance à l’égard du groupe.
Nous sommes ici dans le champ très modeste des résistants au système de pression sociale. C’est le rebelle, le “facho” ou le “complotiste”. Le groupe à tendance à dénigrer ceux qui lui résistent. Il faut intimider pour faire rentrer dans le rang le récalcitrant. Car la normalisation est une violence sociale, une contrainte très puissante pour réduire au silence les mauvais penseurs. Il faut également intimider ceux qui voudraient les rejoindre en leur montrant la future conséquence de leurs actes, s’il se décidait à franchir le pas. Il suffit d’écouter la radio et la télévision pour voir comment son traité médiatiquement les mal-pensants.
Pour les sujets conformistes (deux tiers) on retrouve trois processus psychologiques à l’œuvre :
- La peur de la réaction des autres membres. Ce sont les moins nombreux. On parle alors de processus d’acquiescement ou de suivisme. Le conformisme est alors temporaire, car dès que le contact avec le groupe est rompu, avec la majorité, le conformisme disparaît. Ce sont ceux que l’on peut faire basculer le plus facilement dans le camp des indépendants, sous certaines conditions assez simple à réunir.
- Les sujets qui pensent que la majorité doit avoir raison. Ils pensent que s’ils se sont trouvés en opposition avec cette majorité, c’est qu’ils se sont trompés. C’est ce que l’on appelle une rationalisation. Ce sont les plus nombreux. On parle alors de processus d’identification. La majorité a des qualités désirables, elle est attractive et le sujet cherche à s’en rapprocher. Le conformisme dure un peu plus longtemps. Il parvient à se maintenir tant que le groupe majoritaire paraît avoir des qualités désirables. Pour les faire basculer dans le camp des indépendants, il faut réaliser un travail psychologique plus important. Il faut démystifier le groupe auquel ils appartiennent. Démystification, voir dénigrement, afin de rendre moins attractive son identification au groupe. La personne a honte de s’identifier au groupe et bascule dans le camp des indépendants. C’est aussi un phénomène observable dans les médias du système ou de la dissidence. On s’évertue à critiquer, à ridiculiser le groupe de l’autre pour en réduire la valeur d’attraction.
- Enfin, le processus d’intériorisation est le plus durable, car le sujet se conforme à la majorité du groupe, car il pense qu’elle à raison. Le conformisme est plus long, car le sujet pense que ses croyances sont les meilleurs. Il est très difficile de les faire basculer chez les indépendants, car les valeurs du groupe sont profondément intégrées dans son système de valeur. C’est le cas des religions ou des idéologies politiques.
Suivisme, identification et intériorisation sont trois degrés de conformisme progressif allant du plus léger au plus durable. Pénétrant dans des couches de plus en plus profonde de la psychologie humaine.
B. Salomon Asch (1956).
Dans une autre étude réalisée en 1956, Salomon Asch va légèrement modifier les conditions de sa première expérience. Sur les huit sujets dans le groupe, il y a six complices et deux sujets naïfs.
Cela va tout changer.
Le nombre d’individus qui vont se conformer s’écroule.
Il suffit donc du support d’un seul allié pour miner l’influence majoritaire. Se sentant soutenu, il ose verbaliser, extérioriser ses doutes. Il n’y a plus de suivisme du groupe (le premier groupe) car le sujet n’a plus honte de se montrer divergeant vis-à-vis des autres membres du groupe. Ils sont deux contre six. Le rapport de force change de camp.
Cela permet aux sujets qui pratique le suivisme et l’identification de basculer dans le camp des indépendants.
Si on introduit dans le groupe un compère flottant, c’est-à-dire un compère qui donne des mauvaise réponse dans la première partie de l’expérience, et des bonnes dans la deuxième partie. On observe le conformisme du sujet naïf dans la première partie (effet Asch traditionnel), puis il devient indépendant dans la deuxième partie, en se ralliant au compère flottant.
C’est pour cette raison que le système tente par tous les moyens d’isoler les dissidents. Il faut éviter par tous les moyens que celui-ci trouve des alliés de circonstance ou permanent dans sa lutte contre le régime. Le cinéma hollywoodien montre à longueur de film des héros solitaires qui lutte contre un dictateur. Personne ne lutte seul contre un système… Il faut être accompagnés pour être efficace. Pas besoin pour cela d’être très nombreux, ce sont minorités qui proposent les changements dans la société (sous certaines conditions). Nous verrons cela dans une autre série d’articles.
C. Stanley Schachter (1951).
Schachter, un psychologue américain d’origine juive-roumaine, à travailler sur la dynamique de groupe d’abord à l’université du Minnesota puis à celle de Columbia. Dans l’expérience qui va nous intéresser, il étudia plus précisément le mécanisme de la pression sociale. Pour l’instant, avec les études de Asch, il n’y avait pas d’interaction entre les sujets au sein du groupe, mais seulement des réponses donné à des questions. Ici, ce qui va être intéressant, c’est d’observer le processus de contrainte sociale pour soumettre le déviant et la réaction de celui-ci au processus conformiste.
On va réunir huit à dix personnes en groupe pour débattre sur la délinquance. Il s’agit de proposer une peine pour des délinquants ayant commis une infraction. Dans le groupe, on inclut trois compères avec chacun une mission spécifique.
Le premier compère doit suivre scrupuleusement les options choisis par les sujets naïfs. Il respect le principe de la normalisation du groupe dès le début.
Le deuxième compère doit d’abord se montrer plus sévère que le groupe, puis se ranger progressivement derrière l’avis majoritaire. Il est déviant au début puis accepte progressivement la norme du groupe sous la pression de celui-ci.
Le troisième compère avait pour instruction de préconiser un traitement sévère sans jamais faire de concession au groupe. Il refuse du début à la fin le principe de normalisation.
Ces trois attitudes correspondent à deux types de dissidence, l’un cède à la pression du groupe et l’autre reste intransigeant. Le premier compère s’aligne sur le groupe, il n’est donc pas un dissident.
Les peines proposées par le groupe n’ont aucune importance pour l’expérience. Il s’agit d’observer l’attitude des sujets naïfs vis-à-vis des déviants. Les discussions révèlent que l’expression d’une option minoritaire suscite un nombre important de tentatives d’influence par les autres membres du groupe.
L’attitude du groupe à l’encontre du deuxième compère montre que sa réintégration dans l’opinion majoritaire améliore sa popularité. Il y a également une diminution drastique du nombre des communications du groupe a son encontre.
L’attitude du groupe contre le troisième compère indique une diminution sérieuse de sa popularité. Lorsqu’il devient clair que le déviant ne transigera pas, certains des groupes finissent par le négliger totalement. Il y a donc exclusion du groupe. C’est le phénomène de la pression vers la conformité.
II. Conclusion.
Après avoir exploré les méandres du conformisme dans notre société, nous sommes invités à réfléchir sur son impact dans notre vie quotidienne et la manière dont nous pouvons, individuellement et collectivement, œuvrer pour un monde où la diversité des pensées et des actions est non seulement acceptée mais célébrée.
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